Pour 1 $ dû en 1980, les Etats africains ont déjà remboursé 4 $ mais en doivent encore 2,5 !  Le saviez-vous ? Décidément ! La dette a cessé de faire l’objet d’un remboursement équitable dans des conditions normales et régulières, pour ainsi devenir un instrument de domination politique des peuples, un véritable outil de racket et pillage des ressources.

L’évidence dans cette créance ignominieuse est que les peuples, qui ne doivent rien aux créanciers internationaux  puisque n’ayant pas été consultés dans cette forfaiture, continuent de croupir sous le joug de l’endettement macabre des Etats dont les gouvernements sont les seuls responsables.  Me dira-t-on peut-être qu’il existe des accords tacites ?  Non ! Il s’agit d’une dette odieuse et immorale puisque elle provient de prêts contractés par des régimes corrompus et dictatoriaux comme par exemple le gouvernement sud-africain de l’apartheid et le gouvernement zaïrois du défunt dictateur Mobutu etc. ayant utilisé les sommes reçues pour martyriser leurs populations et les maintenir dans l’oppression. Aussi,  ces sommes dues ont-elles atteint des niveaux qui ne sont pas viables, en raison des taux d’intérêt élevés et de pratiques commerciales inéquitables imposées aux produits des pays africains. Thomas Sankara disait déjà en juillet 1987 devant les chefs d’Etat Africain, depuis la tribune de l’OUA, la défunte Organisation  de  l’Unité  Africaine que les créanciers  ont prêté en connaissance de cause, pour  leur  plus  grand  profit, et ne sont donc pas en droit d’exiger des peuples qu’ils remboursent. Et le refus de rembourser la dette odieuse se justifie donc par des arguments  économiques, moraux et politiques . Comme l’a si bien dit Alexander Nahum Sack : «Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas pour les besoins et dans  les  intérêts  de  l’Etat, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, etc., cette dette est odieuse pour la population de l’Etat entier. Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation; c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée, par conséquent elle tombe avec la chute de ce pouvoir.».  Formidable…!  Dejà, en 1987,  Thomas Sankara dénonçait ouvertement  ce « système de dette mis en place par les puissances occidentales  avec  la  complicité des dirigeants du Sud pour confisquer la souveraineté des peuples »  qui  permet  d’exercer d’importantes influences sur les pays endettés les contraignant au quasi-abandon de leur souveraineté. Alors, il est temps de sortir de cette spirale infernale de la dette,  résultat de programmes de réforme mal conçus sous la direction des créanciers, notamment des programmes d’ajustement structurel de la Banque mondiale et du FMI, qui appauvrit dangereusement l’Afrique en la dépouillant complètement  et totalement de toutes ses richesses. Il est temps disais-je d’annuler la dette extérieure publique du l’Afrique et d’abandonner les politiques stériles et austères au développement du continent. Oui, il faut une annulation pure et simple, totale et inconditionnelle de cette dette car elle immorale, illégitime et odieuse.

Editorial de Romuald Boko, Magazine L’Autre Afrique Juin 2015