Désacralisation de la divinité « Egun-gun » en France : « Bafouer les principes d’Egun-gun, c’est se livrer soi-même aux esprits, à la mort » dixit Germain EDOUGBÉ, Baba Oulê

L’exposition à tout vent des habits et accessoires sacrés de la divinité « Egun-gun » dans le musée Vodoun en France en mai 2021, a suscité colère et indignation des adeptes du culte des morts. Originaire d’Afrique de l’ouest, en occurrence de la lignée « Ayònou » du Bénin et du Nigéria, l’apparition insinueuse des accoutrements sacrés de « Klwitô » en territoire français est d’une grande stupéfaction.

Si des soupçons accablent des individus malheureux affamés, qui seraient tentés de vendre ces accessoires aux Français, nulle n’ignore les possibilités de se faire coudre des pagnes imitant des modèles de la divinité « Egun-gun ». Le musée incriminé justifiant son forfait, indique  à travers un communiqué que, « le musée vodoun est porté par une association à but non lucratif, de ce fait, elle ne fait aucun bénéfice. Le musée se donne pour mission de valoriser, conserver et protéger un patrimoine de l’humanité (…).Toute l’équipe du musée fait de son mieux, au quotidien, pour mettre en avant ce patrimoine en le respectant. Il n’est pas question ici d’appropriation…».

 « Egun-gun » n’est pas un masque !

Loin des illusions culturelles, Egun-gun est une divinité, une religion des esprits des morts. Dans sa sacralité, le culte « Egun-gun » s’interdit tout approche de non-initiés. « (…), ceux qui donnent la main ou embrassent le Klwitô se tuent sans le savoir. Normalement, on fuit le Klwitô, car son pagne ne devait pas toucher un être humain ; ça tue. Et, s’il arrivait par incidence des victimes, nos aïeux utilisaient des tisanes pour les déposséder », prévient Germain EDOUGBÉ, Baba Oulê. Et au chef du culte, Grégoire EDOUGBE, Balê Kolù de renchérir, « le bâton de commandement du Klwitô ne doit pas toucher un homme. Aussi, insiste-t-il, un homme ne doit à grand jamais enfourcher ce bâton mystérieux. En cas de récidive, ce dernier deviendra stérile ou encore, impuissant ». Les habits ou accessoires de la divinité Egun-gun « ne se vendent pas, ne s’achètent pas ; on les loue », et nulle ne peut confirmer le mode d’accoutrement de ces étoffes du culte. Le contact féminin avec les accoutrements sacrés du Klwitô est un « sacrilège ».

Les profanes du culte « Egun-gun »

Cependant, moultes questions taraudent les esprits curieux de la sacralité du culte « Vodoun » en Afrique. D’où proviennent les collections mises en exposition dans le musée  vodoun en France ? Selon le communiqué du musée français, « les objets présents au musée proviennent d’une collection privée, appartenant à Marc et Marie Luce Arbogast, et dont les pièces ont été acquises ou données: aucune d’entre elles n’a été pillée ou volé ». Et pour s’en tirer d’affaire, « plusieurs initiés sont dans notre équipe », précise le communiqué du musée Vodoun.

Des origines « Ayònou » (Yoruba) du Nigéria et du Bénin, la divinité des morts « Egun-gun » n’est pas, du fond, une question d’initié, et ne pourrait être adorée que par des descendants de la lignée « Klwitô ». Et d’ailleurs, « c’est le Vodoun (Klwitô) même qui choisit à travers le « Fâ », ceux (cinq initiés) qui lui feront des sacrifices. La première personne s’appelle Bâlè Kolù, la deuxième Baba Oulê, la troisième Baba Sâlé, la quatrième Atôdjù et la cinquième personne Achari Ocha, est celle qui garde le bâton de commandement. N’importe qui ne peut adorer la divinité Klwitô », prévient Grégoire EDOUGBE, Balê Kolù. Poursuivant, « nous voyons aujourd’hui sur les réseaux sociaux des « Klwitô » serrant la main aux vivants, parlent français, Fon…etc, ce sont des profanes ».

 

« Egun-gun », un esprit !

Le Vodoun est le monde des esprits. Et, Egun-gun est une réalité divinatoire ; c’est une divinité invisible. « (…), Le Klwitô est un mort qu’on ressuscite dans la nuit profonde, à 1 heure du matin, pour l’habiller; c’est un esprit », informe Germain EDOUGBÉ, Baba Oulê. Bafouer les principes d’Egun-gun, c’est se livrer soi-même aux esprits, à la « mort ». La fondation du culte Egun-gun reste un mystère. « il y’a quelque chose qu’on appelle « Odjoubo ». C’est le Klwitô même dans sa totalité ; il représente l’ancêtre, c’est le couvent (Gbalê). C’est une chambre qui abrite les vodouns, et n’importe qui n’y pénètre s’il n’est pas Balè, Atôdjù, Baba Sâlé, Baba Oulê, Alagba (Achari Ocha). C’est un couvent différent des autres. C’est une antichambre de trois couvents. Le premier, tout le monde peut avoir accès, le deuxième est pour les grands initiés et le troisième est destiné au culte Egun-gun, c’est la résidence du Klwitô même. Seul le Balê y pénètre pour aller chez les vodouns. Le « Atôdjù » est toujours auprès du culte et s’occupe de tout. Pour immoler des moutons de sacrifice, c’est le Balê qui s’en occupe. Quant au Baba Oulê, il assure les veillées de prières du « Odjoubo » », explique Germain EDOUGBÉ. En clair, « rien n’est du hasard et l’exposition ou la sortie d’Egun-gun nécessite des sacrifices très importants », insiste-t-il.

Koffi Albert ADANDJI