Le 29 juin dernier sonnera-t-il le glas du Fran CFA, instrument de domination politico-économique mis en place par la puissance ex-colonisatrice contre les peuples d’Afrique ?

Souveraineté et soumission économique

De tout temps, en tout point du globe et sans exception, la monnaie nationale a été, et demeure, la mesure du niveau de souveraineté des états nationaux.

C’est en 1958, faisant face aux luttes d’indépendance dans ses colonies et aux pressions grandissantes de ses concurrents impérialistes refusant l’appropriation d’un marché en devenir, que le gouvernement de Gaulle décide de « partir », sans pour autant  lâcher quoique ce soit en Afrique, et décide de la Françafrique.

Il n’est point utile de revenir sur la Françafrique, système néo-colonial d’une efficacité redoutable, livrant l’Afrique, pieds et poings liés, aux entreprises et aux banques françaises, s’appuyant sur un réseau de laquais politiques locaux complices, formés dans les officines de la France voire dans sa propre armée : dictatures, coups d’états, assassinats de dirigeants, de présidents en exercice…tous les coups tordus sont permis, pourvu que le pillage et la mise à sac du continent continuent.

Total, Bouygues, Bolloré, Areva…montrent à quel point ce système, pour l’essentiel, est toujours en place, intact et efficace.

 

La monnaie de la néo-colonisation

Né au sein l’entreprise de néo-colonisation qu’est la Françafrique, le Franc CFA est l’un des instruments majeurs.

Au prétexte de garantir la stabilité de la « nouvelle monnaie créée », tous les pays visés (Communauté financière d’Afrique et Communauté financière en Afrique centrale) sont contraints de « déposer » la moitié de leurs réserves au Trésor public français.

Ainsi, 50% des réserves de change de dizaines de pays « souverains » sont captés par une ex-puissance coloniale. Sommes-nous vraiment en 2019, soit près de 60 ans après les indépendances ? La question reste entière.

Ainsi, le CFA engendre une situation de pillage organisé qui, pour les opinions publiques de toutes les populations concernées, doit cesser et, comme au Burkina Fasso, Côte d’Ivoire et au Sénégal, de nombreuses manifestations ont récemment montré cette détermination.

Voilà pourquoi, la décision de la CEDEAO d’abandonner le Franc CFA a été, dans un premier temps, plutôt favorablement accueillie.

 

ECO, Attention au leurre !

La France, inquiète de cet évènement, avec l’aide de Ouattara, son contremaître sur place, a très vite fait savoir son point de vue : « A terme, le Franc CFA s’appellera l’ECO. »(Paris, Ouattara après son entrevue avec Macron).

Ainsi, tout est dit : A part le nom, pour la France, rien ne doit changer !

L’inquiétude de la puissance française est-elle justifiée ? Oui, dans la mesure où certains pays, moins inféodés que d’autres, commencent à faire entendre une petite voix « séparatiste ».

Pour autant, ce qui se joue sur le sol africain ne se joue pas pour les africains. Il est clair, en effet, que les USA sont à la manœuvre, comme ils l’ont été en ex-URSS jusqu’à sa chute, comme ils le sont aujourd’hui en Chine et en Afrique pour les mêmes raisons : Ouvrir grandement ces marchés aux multinationales américaines ; et l’Afrique, évidemment, est une immense part de ce marché !

 

Vers un marché unique

Comme les USA ont supervisé l’installation du Marché Unique Européen, on voit tout de suite que l’ECO porte en lui, le même fonctionnement administratif et politique que celui imposé aux peuples d’Europe.

Comme il y a désormais la zone euro, il y aura la zone ECO.

Pour adhérer à cette zone ECO, comme pour adhérer à la zone euro, il y aura des critères dont on connaît les effets dévastateurs en Europe : Interdiction d’aller à une déficit budgétaire supérieur à 3% du PIB, des réserves de change suffisantes pour couvrir trois mois d’importations, maintien d’une inflation inférieure à 10% l’année…

Autant de mesures draconiennes contre les salaires, les services publics, les protections sociales…qui nécessiteront forcément une « autorité », de fait supranationale.

Et ainsi, dans la tête des instigateurs de ce projet, le tour est joué : on change le nom de la monnaie, on garde la mainmise économique et monétaire sur les états concernés et, cerise sur le gâteau, on les assujettit à une autorité internationale.

Dans cette perspective, on imagine bien pourquoi le FMI et la Banque Mondiale, à la manœuvre depuis les indépendances, applaudissent à grands cris.

 

ECO contre CFA ou attrape-nigauds ?

La réalité et l’intérêt des populations semblent donc être ailleurs.

Ceux qui, au secours de ce projet, viennent convoquer les anciens, les défenseurs de la grande Afrique Unie devraient s’en tenir au respect et ne pas mélanger le panafricanisme à leurs visées nauséabondes.

Rassembler des pays d’Afrique pour mieux les livrer au diktat des puissances étrangères, de leurs multinationales et de leurs banques ne relève pas du projet panafricain mais, au contraire, du maintien d’une porte grand ouverte au pillage continu.

L’issue n’est ni dans le Franc CFA, ni dans l’ECO, mais dans la fédération des peuples libres et des états souverains, maitrisant leur politique, leur économie et…leur monnaie.

 

Romuald BOKO et François Charles