Présidentielle d’avril 2021 au Bénin : Ce que pèse chaque candidat
Le but de l’élection comme le disait Guizot est évidemment d’envoyer au centre de l’État les hommes les plus capables et les plus accrédités du pays. Mais comment découvrir et constituer la véritable élite, cette légitime aristocratie dans un climat de vives tensions et de contestations qui caractérise cette période préélectorale au Bénin? Nous reviendrons absolument sur ces tensions structurantes, la faiblesse du système démocratique, de l’Etat de droit, de la gouvernance et des droits humains … bref sur ces pathologies de la démocratie qui forcent à penser aujourd’hui que la démocratie est prise entre les illusions du mondialisme et du souverainisme. Mais en attendant, chaque état major des trois duos autorisés à compétir affûte leurs armes. Et dans quelques jours, la compétition électorale sera lancée et le verdict des urnes départagera les uns et autres. Quel est alors le poids réel de chacun des candidats ?
Votre magazine L’Autre Afrique s’y est intéressé.
Talon, « l’Emeritus »?
Le self-made-man Patrice Talon, multimillionnaire en euros, qui a remporté la victoire avec plus de 62 % des voix lors des présidentielles de 2016 à la surprise générale a toutes les chances de son côté pour briguer un second mandat, cette fois-ci, sans surprise aucune. Puisque, avec un léger recul pour les lecteurs attentifs et certains observateurs avertis, l’homme avait commencé à préparer sa victoire ou son KO à l’entame de son premier mandat.
En déplaçant la focale de la lecture sous le prisme de la stratégie politique, Talon est de loin l’homme politique le moins saisissable et n’en finit point de révéler son univers des possibles politiques.
Alors que tout le monde s’attendaient à un Bio Tchané ou à un certain Robert Gbian comme son colistier, le créateur de la chose politique va d’abord choisir à la surprise générale de tous, une femme, l’honorable Talata une presqu’inconnue au bataillon. Mais la spectacularité de ce choix est cette agilité à faire avaler comme du bon miel biologique de Semèrè ce choix aux prétendants qui n’auront d’ailleurs que les voix pour pousser les hourras d’acclamations « joyeuses » qui retentirent sur la place Bio Guerra et montèrent vers le ciel comme le premier cri du Te Deum.
Mais au-delà, des Choco-choco aux intrépides militants de l’Udbn, toute la classe politique ou presque tout- exemptés ceux qui sont contraints en exile-,comme hypnotisée, regarde l’homme agir et le suit assidûment tel un professeur de rang magistral dans un amphithéâtre. Et, le maître-à-penser de la politique continue d’édicter les règles du jeu, composer l’algorithme politique avant de donner la tension sinusoïdale tout en signalant les changements incrémentaux.
Il est donc désormais clair qu’on ne saurait écrire les pages d’or de l’histoire politique de notre pays ces deux dernières décennies sans parler de Patrice Talon. Et sans commenter les rationalités néo-machiavéliennes, l’hypothèse aristotélicienne le crédite d’« animal politique ».
Djimba-Hounkpè, deux larrons en foire
Accusé d’avoir arraché le parti de Yayi, les Forces Cauris pour un Bénin Émergent (Fcbe) avec la bénédiction du pouvoir en place, Paul Hounkpè a su humblement s’éclipser au profit de l’ancien ministre Allassane Soumanou Djimba pour la présidentielle d’avril 2021. Comme deux larrons en foire, Djimba et Hounpkè mettent leur complicité en marche pour engranger quelques voix résiduelles des inconditionnels Fcbe qui attendent de voir leur cauris dans un fond vert pour l’estampiller au profit de leur « formation politique ». Mais la chose semble ne pas être simple sur le terrain. Leur duo rencontre des sérieux problèmes d’explication, de compréhension, de justification, de re-explications etc. Le logarithme népérien aurait été aisément compréhensible pour leurs militants que l’alchimie abracadabrante par laquelle ils sont devenus maîtres et possesseurs du parti de leur ancien mentor Boni Yayi. On se demande dans ce quiproquo comment gagner ces élections devant des formations politiques qui ont moins de difficultés sur le terrain. Au soir du 11 avril, on serait tous situé.
Corentin Kohoué se veut le candidat de l’alternance démocratique au Bénin
L’hypothétique élection présidentielle qui s’annonce voit Monsieur Corentin Kohoué comme candidat de l’alternance démocratique au Bénin.
Natif de Couffo, Corentin Kohoué est un administrateur civil aujourd’hui à la retraite après plus de trente ans d’expérience politique. Il décide enfin de briguer la magistrature suprême. Il sera accompagné dans ce combat de Irené Agossa comme son colistier. Mais qui est-il en réalité ?
Du haut de ses soixante-sept (67) ans, Corentin Kohoué justifie d’un parcours précis et détaché qui prouve à suffisance qu’il est parti de très loin et va peser lourd dans cette présidentielle qui s’annonce à grands pas. « Je ne vois pas qui peut dire qu’il a lutté plus que moi Kohoué, que la personne se présente », a-t-il assuré à la faveur d’une conférence de presse tenue dans la capitale économique Cotonou. Il est plus que certain que sa détermination va marquer des points lors de cette élection historique, pour des défis qui le sont aussi. Certes, il n’a pas le verbe fleuri d’anecdotes comme son ex-mentor Bruno Amoussou, mais il est certainement aussi charismatique que lui. Il bénéficie d’une aura certaine sur la scène politique nationale. Ainsi, il s’affiche de plus en plus comme un acteur politique révolutionnaire en rupture avec une classe politique incapable de s’attaquer aux maux qui minent l’existence des Béninois.
Avec la détermination d’un Mao Zedong, il veut affronter les obstacles et promet emmener ses compatriotes à « se réapproprier les valeurs qui font une grande nation : l’effort, le courage, l’esprit d’initiative et l’esprit d’abnégation ». Il est donc prêt à forcer si possible le destin –d’ailleurs, il confie lui-même qu’il aime bouger ou faire bouger les choses– pour offrir un mieux-être à ses concitoyens au soir de la présidentielle d’avril 2021. Et quand on sait que les Béninois ont plus que soif de démocratie, il n’est aucun doute que le chantre qu’il en est fera mouche. D’ailleurs son colistier Iréné Agossa rassure lors du meeting d’investiture du duo le samedi 20 mars dernier à Allada : « nous avons tout fait pour participer à ce jeu, et c’est ainsi que nous avons la probabilité de gagner ». De toute façon, les prochains jours le situeraient.
Par Romuald Boko