Par François Charles 

Une cérémonie surréaliste

Le lundi 1er décembre, en hommage aux militaire français décédés au Mali, dans la cour des Invalides, étaient rassemblées les personnalités marquantes de l’état français, les représentants des autorités civiles et militaires, des anciens combattants, le Président de la République française, chef des armées et…Ibrahim Boubacar Keita, chef de l’Etat Malien !

La question saute à la figure : mais que faisait donc Ibrahim Boubacar Keita dans cette galerie ?

Entendait-il, par sa seule présence, donner caution aux armées d’occupation au Mali dirigées par la France ? Entendait-il donner raison aux dirigeants français expliquant à la « communauté internationale’’ que son « ennemi principal », le terrorisme, se cache au Mali ?

Toujours est-il qu’il a entendu, et écouté, sans broncher, le président français réciter son bréviaire sécuritaire : « Je m’incline devant leur sacrifice. Ils sont morts en opération, pour la France, pour la protection des peuples du Sahel, pour la sécurité de leurs compatriotes et pour la liberté du monde, pour nous tous qui sommes là. »

Et Ibrahim Boubacar Keita de rester coi telle la pauvre marionnette de service.

Boubacar Keita, comment as-tu pu ?

Boubacar Keita, toi qui est aux premières loges pour observer, comprendre et savoir, comment t’a-t-il été possible de ne pas ciller, de ne pas réagir, à autant de mensonges contenus dans une si petite phrase ?

Toi qui, dans ton pays, croise quotidiennement les dirigeants affairés de Total, AREVA, Bouygues, Bolloré…comment as-tu pu laisser dire que ces militaires français étaient « morts pour la France » ? En effet, qui ne sait, mieux que toi, tant au Mali, au Burkina, au Niger… ce qui motive la « diplomatie » française de s’imposer par les armes dans toute la sous-région ?

Qui peut ignorer que l’extraction de l’uranium aux confins Niger/Mali et son acheminement, se font sous protection militaire et que cette protection, tout à fait efficace, est assurée essentiellement par Barkhane, personne ne voulant de la MINIUSMA jugée trop peu fiable ?

Qui peut ignorer les intérêts bien compris de Total dans la Région et dans tout le golfe de Guinée ? Total est la digne héritière de la compagnie Elf, de toutes ses pratiques de corruption massive et de coups tordus politiques et financiers, ayant donné lieu en France même, à des procès retentissants, frappant jusqu’aux plu hauts sommets de l’état et pas encore terminés. Pour le maintien de son leadership Total est toujours à la manœuvre.

Qui ne sait que, de Abidjan à Dakar, Bolloré s’est rendu propriétaire de quasiment tous les ports en eaux profondes du Golfe de Guinée, devenant ainsi le maitre de l’accès à l’océan pour tout l’Interland et vice-versa ?

Bouygues s’étant, quant à lui, emparé des voies de transport terrestres.

Le syndrome des ADM

On connaissait le syndrome de Stockolm qui consiste à épouser les thèses de son oppresseur, on aura désormais à connaître le syndrome des AMD. Personne n’a oublié, pour justifier l’attaque de l’Irak par les USA, le pantomime des « armes de destruction massive », avec échantillon en bocal brandi en direct devant les télés du monde entier, les « preuves » irréfutables d’usines cachées, accumulées par satellite et « expliquées » en plateaux télé par des militaires en treillis, sur des cartes autant illisibles qu’incompréhensibles. Toute une mise en scène grossière tragi-comique qui, s’agissant des massacres de masse et bombardements aveugles qui s’en sont suivis, s’avérera davantage tragique que comique.

Malgré qu’à ce jour, tous les acteurs de cette supercherie ont reconnu avoir monté sciemment la manipulation, il se trouve que la diplomatie française, pour justifier la canonnière, marche aujourd’hui, dans les mêmes pas que l’administration Bush de l’époque : « les soldats français sont morts…pour la protection des peuples du sahel et pour la liberté du monde… » 

Outre le fait que « les peuples du sahel » n’ont, en réalité, jamais rien demandé d’une intervention militaire à la France, Emmanuel Macron, après François Hollande, vient désormais nous expliquer que ce serait grâce à lui, et à Barkhane, que le monde entier ne bascule pas dans le chaos ! Eu égard à la géopolitique régionale et la réalité du terrain, la grandiloquence en rajoute encore au ridicule du propos.

Il est à noter, par ailleurs, que les dirigeants français sont coutumiers du fait. En effet, Sarkozy, flanqué de son fidèle BHL, avait utilisé le même subterfuge pour attaquer et anéantir la Libye et les libyens tandis que François Hollande, et Fabius son ministre va-t-en guerre, agissaient de même, en vue d’obtenir l’autorisation d’aller bombarder la Syrie. Autorisation qui leur sera finalement refusée par Obama.

L’armée française doit quitter l’Afrique !

Les menaces qui pèseraient sur le monde et que seule la France protègerait de son corps, ne sont que balivernes grotesques et cache-sexe d’une occupation militaire ne visant qu’à préserver ses seuls intérêts bien compris. N’a-t-on pas entendu récemment, sur une antenne radio (France Inter) un représentant de l’administration militaire déclarer que :  » la France étant la seule à crapahuter sur le terrain, il n’est pas logique que d’autres y viennent pour y faire des affaires ».

Hier comme aujourd’hui donc, l’Afrique de l’Ouest et du Centre, est restée chasse gardée de la France ! Sans doute la raison pour laquelle, malgré ses appels répétés et très appuyés, la France ne trouve en Europe aucun soutien à ses menées militaires.

Enfin, à propos de la sécurité sur place, iI n’est qu’à regarder la situation des populations dans les pays concernés pour comprendre que, le soi-disant « intérêt des peuples du Sahel » n’a vraiment aucune espèce d’importance aux yeux de l’occupant.  En réalité, depuis ces six années que l’armée française « quadrille le terrain »,  la sécurité des populations est autant, voire davantage dégradée qu’avant l’intervention. Le Burkina Faso, pour seul exemple, est en proie aujourd’hui à une avancée de bandes armées qui, se réclamant ou non du Jihad, terrorisent les populations, attisent les conflits latents entre nomades et sédentaires autour des points d’eau, et poussent des centaines de milliers de réfugiés vers les agglomérations.

Les groupes se réclamant du jihad continuent de sillonner toute la région et, outre les militaires français, ce sont des centaines de soldats maliens et de civils tués depuis le début de l’opération (plus de 100 militaires pour les seuls deux derniers mois !)

Alors que, sous protection militaire, les affaires continuent au mieux pour Areva et Total, que les grandes entreprises françaises poursuivent leurs activités commerciales sans envisager de retrait, ne semble-t-il pas curieux que Barkhane et la France, « bouclier du monde », ne puissent venir à bout de quelques bandits juchés sur leurs 4X4 Toyota lorsqu’il s’agit de protéger les populations indigènes ?

L’Afrique, quoiqu’en disent la France et ses marionnettes locales, n’a nul besoin qu’on vienne l’envahir pour assurer non pas sa protection mais permettre la continuation du pillage de ses richesses.

L’Afrique doit demeurer aux africains et l’armée française, paravent des entreprises privées, doit quitter le continent, immédiatement et sans condition.