Algérie et pays du Sahel : vers une rupture des relations diplomatiques ?

L’Algérie : l’influence d’un acteur majeur bousculée 

L’Algérie, grâce à sa position frontalière avec les pays du Sahel, son histoire en matière de lutte antiterroriste et sa puissance militaire, s’est peu à peu imposée comme un acteur influent s’impliquant sur les questions de sécurité et de stabilité de la région.Elle a en effet, joué le rôle d’intermédiaire au sein de conflits en tant que puissance régionale médiatrice et l’exemple le plus marquant étant l’accord d’Alger signé en 2015 entre le gouvernement malien,plusieurs groupes rebelles touaregs (CMA) ainsi que les membres de la Plate-forme des membres d’autodéfense, alliés du gouvernent. 

En collaboration avec des organisations régionales et internationales telles que les Nations-Unies, l’Union Africaine et la CEDEAO, l’Algérie en tant que chef de file de la médiation, a négocié des accords de paix à la suite des conflits armés survenus au nord du Mali en 2012 et opposant les rebelles touaregs du MNLA revendiquant l’indépendance de l’AZAWAD. 

De plus, la menace terroriste d’AQMI (Alqaïda du Maghreb islamique) initialement alliés des rebelles puis prenant le contrôle du nord du Mali constituait également une urgence à régler afin de sortir de la crise malienne. Cette crise aiguë ne sera pas étrangère dans le climat de déstabilisation politique et de désagrégation territoriale, précipitant la chute par un coup d’état la même année renversant le président Amadou Toumani Touré. De fait, les implications algériennes surviennent dans une volonté de renforcer la coopération régionale face à des menaces sécuritaires constantes. Néanmoins depuis quelques années, nous assistons à un déclin de l’influence algérienne au Sahel, les tentatives de médiations et de coopération se sont toutes soldées par des échecs, les activités terroristes s’étant étendues aux pays voisins.

Enfin, l’Algérie est accusée à plusieurs reprises de coopérer et de soutenir les forces rebelles touaregs.

De nouveaux partenaires stratégiques face un déclin de l’influence de l’Algérie au Sahel

Le déclin de l’influence algérienne et le recul diplomatique entre l’Algérie et les pays de l’Alliance des États du Sahel notamment, ont amené à une reconfiguration des alliances au sein de la région, renforçant l’émergence de nouveaux partenaires stratégiques tels que le Maroc.

En effet, le Maroc a fortement témoigné sa volonté de s’investir dans les affaires du Sahel. Le royaume s’est notamment imposé comme principal interlocuteur entre la France et le Sahel, alors que le gouvernement malien d’Assimi Goïta, évoquait une volonté de rupture des relations France-Mali. Le pays se distingue par une volonté de construire des relations diplomatiques en entretenant de bons rapports avec des gouvernements marqués par des coups d’État mais également, par son rapprochement récent avec la Mauritanie alors que les deux Etats avaient connu des tensions reliées à la question du Sahara.

L’approche marocaine vient par ailleurs prendre le contrepied d’une stratégie algérienne, mettant l’accent sur l’aspect sécuritaire de la région et la volonté d’une protection de ses ressources, optant plutôt pour une stratégie d’approche fondée sur le soft power.

En effet, Rabat renforce sa présence économique dans la région notamment à travers des partenariats commerciaux, l’implantation de banques marocaines ou des projets d’infrastructure énergétique tel que le Gazoduc reliant la Nigéria, le Maroc et l’Europe et permettant un accès à l’atlantique.

De plus, les relations entre la Russie et la Sahel, marquent clairement l’abandon de l’idée d’une Algérie comme pilier de la sécurité régionale. En effet, Moscou à annoncé récemment sa volonté d’accroître son assistance militaire à l’Alliance des États du Sahel, prévoyant de leur fournir le matériel militaire nécessaire aux fins de combattre les organisations djihadistes de la région.

Une détérioration des relations diplomatiques Algérie-Sahel

Loin de l’accord d’Alger de 2015, Bamako témoigne de la volonté d’une médiation interne des conflits sans ingérence algérienne, et ce depuis l’arrivée au pouvoir d’Assimi Goïta, président de la transition, évoquant une volonté « d’un dialogue direct inter-malien » »

De plus, le 31 décembre 2023, le président de la transition a évoqué la fin de l’implication militaire onusienne sur le territoire marquant la volonté d’une gestion interne des conflits traversant le pays 

Plus récemment, les tensions entre l’Algérie et le Mali, le Niger et le Burkina Faso, ont été ravivées par l’incident survenu dans la nuit du 31 mars au 1er avril. En effet, un drone malien a été abattu au sein de la zone frontalière de Tinzaoutène entre le Mali et l’Algérie, précipitant le rappel de l’ambassadeur du Mali en Algérie. Cette initiative a été soutenue par le reste des états membres qui ont également rappelé leurs ambassadeurs. De plus, le Mali accuse un soutien d’Alger aux rebelles séparatistes et terroristes du pays.

Par un communiqué du 6 avril, l’Algérie dénonce «de graves accusations » et met l’accent sur une récurrence des violations de l’espace aérien algérien par le Mali. En réponse au rappel des ambassadeurs, l’Algérie a également fait de même et a fermé son espace aérien aux vols provenant du Mali.

En réaction à cette décision, le gouvernement malien a également fermé son espace aérien à l’Algérie et a manifesté sa volonté de se retirer du Comité d’étatmajor conjoint (CÉMOC), organisme de coopération militaire créé par l’Algérie en 2010 (et dont les membres sont le Mali, la Mauritanie, Le Niger et l’Algérie) afin de lutter contre le terrorisme dans la région.

Cette situation inquiète par ailleurs la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), organisme duquel se sont récemment retirés les pays membres de l’Alliance du Sahel,menaçant alors la stabilité régionale. La CEDEAO invite notamment le Mali et l’Algérie à privilégier le dialogue afin d’apaiser les tensions.

Par Nour Cherni 

Nour Cherni est étudiante en troisième année de licence de Science Politique à l’université de Paris Nanterre, passionnée par la géopolitique et les relations internationales, elle est actuellement en stage au sein du cabinet InterGlobe Conseils en tant qu’analyste géopolitique.

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