Il faut sauver l’Afrique de l’Ouest d’une crise alimentaire et nutritionnelle
La situation est en train de devenir incontrôlable…
Le nombre de femmes, d’hommes et d’enfants touchés par une crise alimentaire et nutritionnelle en Afrique de l’Ouest et centrale devrait atteindre un nouveau record en juin 2022 – passant de 10,7 millions en 2019 à 41 millions en 2022 – si des mesures appropriées ne sont pas prises de toute urgence, révèle l’analyse du Cadre Harmonisé de la sécurité alimentaire publiée en mars 2022.
À la suite de la conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la situation nutritionnelle en Afrique de l’Ouest organisée cette semaine à Paris, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds international de développement agricole (FIDA) et le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies appellent à des engagements politiques et financiers à plus long terme pour faire face à la pire crise de sécurité alimentaire et de nutrition jamais connue dans la région depuis dix ans.
« La situation est en train de devenir incontrôlable. Les besoins augmentent beaucoup plus vite que notre capacité à y répondre actuellement, et ce dans un environnement opérationnel extrêmement complexe et volatile », a déclaré Chris Nikoi, Directeur régional du PAM pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale.
« Les gouvernements et les partenaires doivent s’attaquer aux causes sous-jacentes de la faim et de la malnutrition. Des actions politiques audacieuses et rigoureuses sont nécessaires dès maintenant, notamment la levée des obstacles au commerce régional et la satisfaction des besoins les plus aiguës pendant une période de soudure qui s’annonce extrêmement difficile dans la région », a ajouté M. Nikoi.
Il existe un risque élevé que la crise alimentaire et nutritionnelle s’aggrave encore en raison de l’insécurité persistante qui continue de provoquer des déplacements massifs de population, de l’impact de la crise climatique, des systèmes alimentaires perturbés, de la production alimentaire limitée, des obstacles au commerce régional et des retombées socio-économiques de la pandémie qui a dévasté les économies nationales. En outre, le conflit en cours en Ukraine perturbe violemment le commerce mondial des denrées alimentaires, des engrais et des produits pétroliers, avec des prix déjà élevés des produits agricoles atteignant des sommets jamais vus dans la région depuis 2011.
Alors que l’augmentation des prix des denrées alimentaires de base a été constante dans tous les pays de la région, une hausse stupéfiante de 40 % par rapport à la moyenne sur cinq ans a été observée au Liberia, en Sierra Leone, au Nigeria, au Burkina Faso, au Togo, au Niger, au Mali et en Mauritanie, mettant les repas de base hors de portée de millions de femmes, d’hommes et d’enfants.
« Cette crise alimentaire sans précédent qui frappe la sous-région est une opportunité qui nous est offerte d’adresser les causes profondes de l’insécurité alimentaire dans la sous-région en développant des systèmes agro-alimentaires moins dépendants des chocs extérieurs et une agriculture locale plus productive et plus efficiente avec un accent sur la consommation des produits locaux » a déclaré le Docteur Gouantoueu Robert Guei, Coordonnateur du Bureau Sous-régional de la FAO pour l’Afrique de l’ouest et Représentant de la FAO Sénégal.
La situation nutritionnelle reste également très préoccupante dans la région, notamment dans les pays sahéliens tels que le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, où environ six millions d’enfants de moins de cinq ans risquent de souffrir de malnutrition aiguë en 2022. Les analyses nutritionnelles menées dans le Sahel et au Nigeria font état d’une situation de crise ou d’urgence dans plusieurs localités du Tchad, du Burkina Faso, du Mali et du Nigeria.
« L’Afrique possède le plus grand potentiel inexploité de terres arables, et pourtant la plupart de ces pays importent des denrées alimentaires. Les gouvernements doivent soutenir des plans agricoles à long terme pour la prochaine génération, notamment des investissements dans le développement de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche afin de parvenir à la sécurité alimentaire », a déclaré Benoit Thierry, représentant régional du FIDA en Afrique de l’Ouest.
Les projections du Cadre Harmonisé de mars 2022 indiquent que dans les pays côtiers, le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire a doublé depuis 2020, passant de 3 millions de personnes pour la période juin-août 2020 à plus de 6 millions en juin-août 2022. Cela inclut près de 110 000 personnes confrontées à des niveaux d’insécurité alimentaire d’urgence (phase 4). La région côtière est susceptible de connaître de nouvelles augmentations des prix des denrées alimentaires et des perturbations de l’approvisionnement en produits agricoles (notamment en engrais), en raison du conflit en cours en Ukraine.
« L’insécurité alimentaire aiguë ne se limite plus au Sahel ; elle s’étend désormais aux pays côtiers. Nous devons réagir de manière durable, et à l’échelle en nous attaquant aux multiples facettes (sociopolitiques et socio-économiques) des crises auxquelles la région est confrontée. Cela ne sera possible qu’en renforçant la collaboration, les mécanismes de coordination aux niveaux national et régional, et le leadership à tous les niveaux, y compris celui des gouvernements, des donateurs et des agences des Nations unies », a ajouté M Nikoi
Source : World Food Programme