Guerres tous azimuts, guerres économiques, chantages politiques : USA en maîtres du monde ?
Par François Charles
Du moyen Orient à feu et à sang à la guerre en Europe, des menaces d’envahissement du Groenland au génocide en Palestine, de la guerre des droits de douane aux menaces d’absorbtion du Canada, des raids contre le Yemen à ceux contre l’Iran…l’aministration Trump, dans sa transparence grand-guignol, vient, en quelques mois à peine, d’apporter un cinglant démenti à tous ceux qui, depuis des lustres, invoquant la concurrence de la Chine, la résistance des BRICS et la pérennisation du “mutlti-latéralisme”, nous prédisaient l’irréversible déclin de la première puissance impérialiste sur le champ international. Qu’en est-il vraiment ?
“La guerre n’est que la simple continuation de la politique par d’autres moyens”
Cet extrait du traité “De la guerre” de Clausewitz (1780/1831), étudié et commenté de tous temps par nombre de dirigeants et responsables politiques de tous bords, toujours au programme des écoles militaires étatsuniennes, en dit plus long que les plus longs discours sur la question de savoir comment et pourquoi, l’impérialisme
américain est sorti vainqueur de sa démonstration de force au Moyen-Orient.
Les stratèges du chaos permanent
Pour bien comprendre l’orientation actuelle de l’administration Trump au plan international, il importe de faire un bref retour en arrière. Qu’on remonte au moment de la seconde guerre d’Irak, celle dont le fils expliquait sur les plateaux télé qu’il allait, lui, y retourner, “pour terminer le boulot que son père avait laissé inachevé”.
Qu’on se souvienne de Colin Powell, plus haut responsable militaire américain, brandissant théâtralement, à l’ONU, un échantillon de “l’arme de destruction massive” (ADM) prétendument détenue par Saddam, échantillon qui allait légitimer l’invasion et dont on ne sait toujours pas, à ce jour, comment il aurait pu se le procurer, lui, alors que les experts officiels envoyés sur place, n’avaient, quant à eux, rien trouvé.*
On notera au passage que ces inventions rocambolesques ne sont pas sans rappeler la manière dont les USA, et leurs supplétifs sionistes ont procédé, cette fois encore, pour décider de leur agression contre l’Iran.
En effet, à les en croire, non seulement les iraniens étaient à quelques jours seulement de la mise au point de leur arme nucléaire mais aussi et surtout, à quelques jours de la précipiter sur Israël. (Les experts selon Trump).
A l’orée des années 2000 donc, selon la garde rapprochée de Bush Jr, c’est à dire Colin Powell déjà cité, Condoleeza Rice, Stephen Hadley et Dick Cheney, “pour éclaircir la situation” disaient-ils, Il s’agissait ni plus ni moins de soumettre sciemment toute la région Moyen-Orientale au Chaos. Bien sûr, les comportements impérialistes ont toujours, partout, provoqué le chaos, mais ce qui pouvait passer jusqu’alors comme procédant de la domination et de la prédation allait cette fois devenir l’objectif premier, un mode de domination de type nouveau. Ce qu’entre eux, ces gens avaient baptisé la théorie du “chaos permanent”, le “chaos constructif”, etc apporterait, de leur point de vue, une nouvelle façon de résoudre la question des pays qui, peu ou prou, refusaient, ou refuseraient, de se soumettre aux diktats business et militaires US dans la région et pourrait, par la suite, être utilisé partout ailleurs dans le monde. Une orientation immédiatement mise en œuvre contre l’Irak, l’Afghanistan, mais aussi ensuite, par la coalition France/Angleterre, contre la libye et bien sûr, en
continu, contre la Palestine et toute sa région proche, par l’intermédiaire, sur place, des supplétifs israéliens…
Israël, ombre portée de l’impérialisme US.
A l’instant même des premières frappes israéliennes sur l’Iran, s’est posée une question d’importance : sommes-nous au début d’une agression/guerre impérialiste ? En fait, l’entrée en scène immédiate des bombardiers US, aura vite démontré que : oui, bien sûr, nous avions bien affaire avec une agression impérialiste, caractérisée, et parfaitement concertée entre deux armées.
Une qualification qui pouvait cependant interroger dans la mesure où cette agression était initiée par un État, Israël, qui n’a ni la stature d’un État impérialiste, ni les compétences, ni les moyens d’exercer une quelconque hégémonie. Et pourtant, s’il est juste de qualifier ainsi cette opération, c’est bien parce qu’elle sert d’abord et avant tout les intérêts de l’impérialisme US dans sa stratégie de domination : “main dans la main, comme jamais vu avant !”. ( déclaration de Trump juste après les frappes US).
L’Europe n’étant pas en reste, de son côté, le chancelier Friedrich Merz déclarait sans fard : “ils font le sale boulot à notre place”, “Attaque légitime” (Macron) etc… En réalité, par la brutalité de leurs propos, Trump, Mers et les autres, chacun à sa manière, montrent comment, dans la fonction assignée à Israël sur ses fonts baptismaux par l’impérialisme anglais, rien n’a changé, c’est à dire depuis 1917 : Israël fait le boulot pour nous.
Pour mémoire, après que, au sortir de la première guerre, la SDN, ancêtre des UN, ait reconnu le droit aux “pays avancés” de gérer les pays “incapables de se gérer eux-mêmes” (sic), alors que la France se voyait attribuer la Syrie et le Liban, l’Angleterre se voyait confier la Palestine dont elle devenait mandataire avec l’Irak, la Jordanie…. ( après aussi les accords secrets Sykes Picot de 1916) .
Arthur James Balfour, ministre anglais des affaires étrangères, trouva alors excellente, l’idée de favoriser l’installation d’un “foyer juif” en Palestine en répondant favorablement à la demande du Baron Rothschild porte-parole, dans cette affaire, de l’organisation sioniste, minoritaire au sein du monde juif européen et militant déjà pour un “foyer juif” en Palsetine.
Balfour pense alors que ce “foyer juif”, une fois installé, forcément très vite confronté à l’hostilité des populations arabes locales et régionales, totalement isolé et donc totalement dépendant, pourrait constituer un coin précieux, enfoncé dans le Moyen-Orient et qui, en y défendant sa propre survie, y défendrait du même coup les intérêts anglais et ceux du camp impérialiste au sens large.
Défendant bec et ongles sa position avec ces arguments, il parviendra à convaincre son gouvernement, dans un premier temps réticent.
Créature de l’impérialisme, un gendarme aux ordres
Il aura ô combien vu juste. En effet, dès novembre 17, c’est au lendemain même de la parution publique de la déclaration portant son nom (lettre au baron Rothschild), donnant droit aux premiers colons juifs à acquérir des terres arabes, éclatera une révolte arabe, contrecarrée par des colons déjà supérieurs en armes et qui, exactement comme l’avait prévu le ministre anglais, se virent “contraints de se défendre”.
La machine infernale était enclenchée !
Ce sera la première des confrontations armées de la guerre d’indépendance qui aura ainsi
débuté dès cette date et s’ensuivront, sans discontinuer, jusqu’à aujourd’hui.
S’il en était besoin, à la lumière des derniers événements, il apparaît clairement que, Israël,
opérant à perpétuité pour le compte d’autrui dans toute la Région et agissant comme le ferait une armée aux ordres, n’est pas, ne peut et n’a jamais été, un état ordinaire. (1)
En effet, en perfusion financière chronique, soutenu à bout de bras par l’impérialisme US et international, surarmé, approvisionné à flux tendu en armement de très haute technologie militaire…il n’ a jamais été aussi clair que cet état ne vit et survit que “pour services rendus”.
Ces “services” étant essentiellement de nature militaire et prévus essentiellement à la feuille
de route de la domination impérialiste US pour toute la Région. En témoignent toutes les opérations extérieures contre le Liban, la Syrie, Yemen, Iran…
Dans la stratégie du chaos contre les peuples, élaborée à Washington, Israël, état-gendarme occupe évidemment un poste de choix. L’impérialisme US n’a jamais caché qu’après Kadhafi, Saddam Hussein, Assad…pour affirmer sa puissance dans la région, il lui fallait désormais, de gré ou de force, ramener l’Iran “à la raison”. “Ils avaient le choix” dira Trump. D’où…la guerre des douze jours. Ainsi, pour n’avoir pas cédé aux injonctions américaines concernant l’abandon pur et simple de son indépendance nucléaire, l’Iran, n’ayant pas la maîtrise du ciel, aura eu son déluge de feu sur les habitations, les dépôts de carburants, sur les prisons, les centraux téléphoniques, la télévision et les réseaux de communication, les grands axes et les noeuds routiers et aussi, quand même… les casernes et les lieux de stockage d’armement.
Il est clair que ces cibles, désorganisant la vie civile, isolant les populations, correspondaient
à un plan, peut-être abandonné, peut-être échoué, censé en tout cas favoriser un soulèvement contre le pouvoir en place. Ce dont conviendront d’ailleurs Trump et Netanyahu, expliquant chacun de son côté, que “la chute de Khamenei ne serait pas une mauvaise chose.”
Une Pax americana inacceptable
La traduction MAGA au plan mondial par l’administration Trump s’est donc faite, au final,
dans le fracas des armes et la guerre ouverte et, sans nul doute, elle sonne pour les peuples comme une alarme. Elle dit en fait que : droit international ou pas, mandat des Nations Unies ou pas, approbation des chancelleries ou pas…les USA frapperont qui ils voudront, quand ils voudront, où ils voudront, selon leurs seuls intérêts !
Au moment de la déclaration de guerre des droits de douanes, on avait déjà vu tous les états tenter de rétablir, un par un, des relations bilatérales privilégiées avec les services du commerce US. Lorsqu’on dit tous, c’est bien tous ! Qu’il s’agisse des européens, totalement désunis, se bousculant à qui mieux-mieux pour faire le siège de Trump au téléphone, argumentant du genre : ”on vous comprend Mr le président, mais nous, on n’est pas pareil que les autres”… ; qu’il s’agisse de la Chine qui,sous les rodomontades avait commencé à négocier secrètement par ses canaux propres, qu’il s’agisse encore de la Russie, du Japon, des autres BRICS qui faisaient tous de même…qu’il s’agisse enfin des pays, même parmi les plus faibles, qui tous, ont accepté, des accords totalement déséquilibrés (on pense au Vietnam par exemple).
Ainsi cette “déclaration de guerre commerciale” de Trump au reste du monde, premier épisode, avait donc provoqué un courant de panique généralisé incontrôlé et, pour ces raisons, laissé des traces indélébiles. Quant à la guerre des “douze jours”, deuxième épisode, elle sera venue frapper un corps encore malade, à peine rétabli de la première onde de choc.
Et surtout, par dessus toute autre chose, cet étalage de violence militaire, montré avec quantité d’images effrayantes tels ces avions gigantesques, noirs, filmés comme directement sortis de films SF, aura eu pour fonction de marteler que, après l’impuissance généralisée de s’opposer aux diktats économiques, nul ne sera non plus en mesure de s’opposer frontalement à la puissance de feu de l’impérialisme US lorsque celui-ci décidera de quel chemin doit suivre un pays ou par qui et comment il doit être gouverné.
Avec le bâton de la canonnière et la carotte de profits promis , l’administration américaine sepropose de vendre ses “accords d’Abraham” aux bourgeoisies arabes qui, pour leur part, seraient fort aise de se voir enfin débarrassées de la très “encombrante” question palestinienne. En effet, l’état de guerre permanent provoqué par la résistance palestinienne n’est pas favorable au business.
Qu’a donc à proposer Donald Trump ?
Le deal est très simple : Pour parvenir à une paix durable dans toute la région, les USA se proposent de reconnaître officiellement un état Palestinien et, en retour de cette reconnaissance, les pays arabes, eux, reconnaissent la légitimité de l’etat d’Israël. C’est tout le sens de la tournée de Trump auprès des monarchies du Golfe et en Arabie Saoudite. Tournée jugée d’ailleurs très “positive”.
Pour autant, le pire n’étant jamais sûr, il y a un paramètre que ne pourront jamais maîtriser
les puissances impérialistes, c’est l’activité consciente des masses populaires, des travailleurs et de la jeunesse. La Palestine, en lutte permanente pour son indépendance, est le centre de gravité de l’opposition mondiale à l’impérialisme.
S’il y a de fortes chances que ce “plan” soit soutenu par toutes les chancelleries occidentales et les pays dits “opposés” comme la Chine, la Russie, voire même l’Algérie (2) qui préféreront “sagement” laisser faire, cette opération se heurtera immédiatement à la
résistance inextinguible de la Palestine pour son indépendance intégrale et aux soutiens ultra massifs et actifs dont elle bénéficie, au sein des populations, des travailleurs et de la jeunesse mondiale.
On a ainsi vu comment les travailleurs du port de Tanger se sont mobilisés pour refuser de traiter un navire chargé d’armement à destination d’Israël, on a vu les mêmes mobilisations sur les ports de Marseille, de Gênes…pour les mêmes raisons.
On a vu aussi les manifestations monstres des populations dans le monde entier, des Etats-unis au Maroc, malgré la répression, souvent violente, de leurs gouvernements complices. Quant à la jeunesse, il n’aura échappé à personne qu’elle est toujours à la pointe de la lutte contre l’impérialisme dans ses propres pays et ses guerres de conquêtes.
Il ne fait donc aucun doute que ceux qui signeront cet accord de la honte sur le dos de la Palestine s’exposeront alors, avec les populations, à de graves répercussions.
Alors non, décidément, le pire n’est jamais sûr.“
Notes :
1/ Israël a reçu des centaines de milliards de dollars d’aide étrangère américaine après la
seconde guerre mondiale, un soutien qui reflète de nombreux facteurs, notamment
l’engagement des USA en faveur de sa sécurité et les intérêts communs de politique
étrangère des deux pays dans une régions du monde instable et stratégiquement importante”
“Les deux pays n’ont pas conclu de pacte de défense mutuelle contrairement au Japon et
aux pays membres de l’OTAN.”
“ Les analystes (voir document) ont rapporté qu’Israël a reçu 17 milliards neuf pour l’année
qui a suivi directement le 7 Octobre…”*
*In Council on Foreign Relations
(Fondé en 1921, le CFoR est composé de 5000 membres issus des milieux d’affaires, de
l’économie et de la politique, il est considéré comme l’un des thinks tanks les plus influents
en politique étrangère.)
2/ “En Algérie, pays qui fut longtemps un pilier du “front du refus” face à Tel-Aviv, le président
Abdelmadjid Tebboune a déconcerté nombre de ses concitoyens en déclarant au quotidien
français l’Opinion :”que l’Algérie serait prête à normaliser ses relations avec Israël le jour où il y aura un état Palestinien.” (in le Monde diplomatique Juillet 2025)