Donald Trump et la diplomatie du deal, une opportunité pour l’Europe

Le 27 juin 2025, le Rwanda et la RDC ont signé à Washington un accord de cessez-le-feu historique, sous médiation américaine. Il visait à mettre fin à plusieurs mois d’escalade militaire, marqués notamment par la prise de Goma par le M23 en janvier, une milice appuyée par le Rwanda.

Ce cessez-le-feu a été salué comme une avancée majeure pour les civils, premières victimes d’un conflit qui a fait plusieurs milliers de morts et déplacés. Mais derrière la façade diplomatique se dessine une réalité plus stratégique : l’appétit américain pour les ressources de l’Est congolais.

Cette région, riche en cobalt, coltan et autres minerais critiques, est devenue le cœur d’une rivalité géoéconomique. En 2024, le M23 s’est emparé de la mine de Rubaya, qui fournit à elle seule jusqu’à 30 % du coltan mondial. Si le discours officiel des rebelles évoque des revendications politiques, le contrôle des ressources reste un objectif central, largement au bénéfice du Rwanda.

Pour Donald Trump, cet accord intervient comme un coup diplomatique. En organisant sa signature à Washington, il affiche sa capacité à imposer un « deal » gagnant-gagnant : paix apparente contre accès privilégié aux ressources. Mais cette diplomatie du deal, hautement transactionnelle, interroge sur sa durabilité et sur les véritables bénéficiaires du compromis.

Les contours exacts de l’accord économique restent flous, mais il semble clair que les ressources naturelles de l’Est de la République Démocratique du Congo sont au cœur de ce compromis. En échange de la sécurisation de la région et d’une paix fragile, les États-Unis pourraient obtenir un accès privilégié aux minerais stratégiques de la RDC, notamment le cobalt, le coltan et le cuivre, indispensables à la transition énergétique mondiale et à la production de technologies de pointe. Si l’on ajoute à cela la prise de contrôle des mines par le M23, comme celle de Rubaya pour le coltan, il est probable que l’accès à ces ressources devienne un élément central du deal.

Le Rwanda, quant à lui, pourrait également tirer profit de cet accord. Outre son rôle d’intermédiaire dans le trafic des ressources congolaises, il pourrait renforcer son influence dans la région des Grands Lacs. Toutefois, la question de la répartition des bénéfices reste ouverte : le pays, tout en étant acteur central de ce cessez-le-feu, pourrait voir ses intérêts alignés avec des entités moins transparentes, notamment à travers son soutien au M23 et la prise de territoires stratégiques.

Cette diplomatie transactionnelle, ou diplomatie du deal, est l’essence même de la politique de Donald Trump. Bien que ce modèle ne soit pas inédit, Trump en est devenu un véritable ambassadeur. Le principe est simple : des accords rapides et pragmatiques, souvent sous forme de transactions économiques où chaque partie reçoit ce qu’elle veut, à condition que cela soit directement en lien avec des intérêts économiques concrets. Ce n’est pas tant la résolution durable des conflits qui prime, mais la gestion rapide des enjeux à travers des compromis où le gagnant-gagnant prime sur la durabilité de la paix.

Trump avait déjà expérimenté cette méthode en tentant de trouver une solution rapide au conflit russo-ukrainien, où l’idée d’une division des terres rares ukrainiennes en échange d’un cessez-le-feu avait été avancée. Ce n’était ni une démarche fondée sur la justice ni une réconciliation historique, mais un modèle qui repose sur des considérations strictement économiques. Le deal était simple : une paix rapide en échange d’un contrôle accru sur les ressources naturelles.

©BBC News Afrique

Mais, en dépit de la rapidité de ces accords, des questions se posent sur leur durabilité. En effet, si un cessez-le-feu peut régler les symptômes immédiats d’un conflit, il ne garantit en aucun cas qu’il résoudra les causes profondes des tensions, qu’elles soient ethniques, politiques ou géopolitiques. La question reste donc : sur le long terme, ces accords peuvent-ils réellement pacifier des régions où les fractures sont aussi profondes ?

Toutefois, cette diplomatie du deal, bien qu’axée sur des intérêts économiques immédiats, crée paradoxalement un espace pour d’autres acteurs internationaux. En se positionnant dans une logique purement mercantiliste, les États-Unis laissent vacantes des dimensions essentielles de la résolution des conflits : la reconstruction institutionnelle, la consolidation de la paix, et la justice transitionnelle. Autant d’aspects que l’Union européenne est historiquement mieux outillée pour traiter, notamment à travers ses outils de coopération, ses partenariats avec les acteurs régionaux africains et sa capacité à promouvoir une gouvernance inclusive.

Face à cette nouvelle forme de diplomatie, comment l’Europe pourrait-elle réagir ? Bien que l’accord signé à Washington mette en avant la sécurité des populations civiles, il reste difficile de croire que ce cessez-le-feu soit un remède durable aux tensions ethniques qui rongent la région, ou à la volonté du Rwanda d’étendre son influence en Afrique centrale. L’histoire récente du M23, soutenu par Kigali, montre que l’enjeu dépasse largement la simple question de sécuriser le territoire.

C’est là que l’Europe peut jouer un rôle décisif, en insistant sur les racines des conflits. Plutôt que de se contenter de simples accords économiques, l’Europe pourrait promouvoir une diplomatie fondée sur des valeurs humaines : réconciliation intercommunautaire, respect des droits humains et réduction des inégalités. Ces initiatives devraient aller au-delà de la simple résolution des conflits armés et viser à réparer les fractures sociales qui nourrissent la violence dans des régions comme le Kivu.

L’Europe, forte de son expérience multilatérale et de son engagement en faveur des droits de l’homme, pourrait adopter une approche plus intégrée et structurante. En s’appuyant sur des partenariats régionaux solides avec l’Union Africaine et d’autres acteurs locaux, elle pourrait œuvrer pour un règlement des conflits plus équitable et durable.

Cette approche européenne, ancrée dans une vision de long terme, contraste fortement avec la logique de court terme américaine. Alors que la diplomatie trumpienne transforme les conflits en opportunités d’affaires, l’Europe pourrait incarner un contre-modèle : celui de la stabilité par le développement durable, le renforcement institutionnel et la coopération équilibrée. Dans un contexte de recomposition des puissances, cela offrirait à l’Union européenne une chance unique de redéfinir sa place sur l’échiquier mondial, notamment en Afrique.

Soutenir des processus de paix inclusifs : L’Europe devrait promouvoir des dialogues de paix où toutes les parties prenantes – y compris les communautés locales et les minorités ethniques – soient représentées. Cela permettrait de répondre à la question des tensions interethniques qui persistent dans la région.

Renforcer la gouvernance des ressources naturelles : La gestion des ressources minières doit être plus transparente et plus équitable. L’Europe pourrait plaider pour des accords internationaux visant à réduire l’exploitation illégale et à assurer une meilleure redistribution des bénéfices aux communautés locales.

Promouvoir des solutions durables : L’Europe doit aussi se positionner comme un partenaire à long terme en matière de reconstruction et de développement durable. Plutôt que de simplement gérer les crises, l’Europe pourrait investir dans des programmes de développement socio-économique qui apportent une vraie valeur ajoutée aux pays concernés, et éviter ainsi les pièges de l’approche transactionnelle.

Pour faire face à cette montée de la diplomatie transactionnelle, l’Union européenne devrait formaliser une stratégie plus cohérente en Afrique, articulée autour de trois axes :

– Renforcer sa présence diplomatique et sécuritaire dans les régions à haute instabilité comme les Grands Lacs, afin de ne pas laisser le terrain aux logiques unilatérales.
– Investir massivement dans les infrastructures locales, l’éducation et la gouvernance, pour asseoir un développement qui réduise la dépendance aux logiques extractivistes.
– Nouer des partenariats équitables dans l’exploitation des ressources, fondés sur la transparence, le partage de valeur et le respect des communautés locales.

En capitalisant sur ses forces – coopération multilatérale, droits humains et développement durable – l’Europe pourrait ainsi proposer une diplomatie alternative, plus éthique et plus stabilisatrice, non seulement en Afrique, mais dans l’ensemble du Sud global.

Rédigé par Rémi Takerkart, stagiaire analyste géopolitique : Ex-directeur marketing dans l’industrie musicale, la culture et les start-ups, Rémi se reconverti dans les Relations Internationales. Étudiant en Master Cybersecurité, Défense et Gestion des Risques à l’ILERI Bordeaux, il se spécialise dans l’OSINT, et l’analyse géopolitique. Ses zones de prédilection sont le Moyen Orient et l’Afrique.

Sources : https://www.amnesty.fr/conflits-armes-et-populations/actualites/republique-democratique-du-congo-les-civils-en-danger-alors-que-le-conflit-sintensifie-dans-lest-du-pays

https://information.tv5monde.com/afrique/la-rdc-et-le-rwanda-signent-un-accord-de-paix-2778721

https://information.tv5monde.com/afrique/video/la-voie-une-nouvelle-ere-de-stabilite-la-rdc-fete-son-independance-trois-jours-apres

https://www.state.gov/accord-de-paix-entre-la-republique-democratique-du-congo-et-la-republique-du-rwanda/

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