Chronique d’une économie en pleine pandémie: Wadagni, Yayi et Felwine Sarr en parlent
Par Romuald Boko
La pandémie de coronavirus ne cesse de susciter d’énormes controverses tant dans le rang des médecins que celui des économistes. Deux courants majeurs sur la question de l’annulation ou non de la dette africaine opposent ces derniers. D’un côté, ceux qui pensent qu’il faut purement et simplement annuler la dette des pays africains. Et d’un autre, ceux qui pensent que l’annulation de la dette ne permettra pas la relance l’économie du continent.
Pour le ministre béninois de l’Économie et des Finances du Bénin, Romuald Wadagni, le moratoire sur la dette de pays africains n’est pas la meilleure solution pour affronter la crise sanitaire du Covid-19. Pour lui, repousser ou même annuler la dette revient à « demander l’indulgence pour ne pas respecter nos engagements ». Ce qui handicaperait la capacité des pays africains à avoir accès aux financements dans le futur et à renouer avec le chemin de la croissance. Il propose d’autres solutions, notamment une aide du Fonds monétaire international (FMI) par l’intermédiaire des Droits de Tirage Spéciaux (DTS, liquidités mises à disposition par le FMI).
Position largement partagée par l’ancien président de la République du Bénin, le Docteur Boni Yayi qui demande « une émission en urgence de droits de tirages spéciaux par le FMI en faveur de l’Afrique ». Si les États Unis ont répondu aux ravages économiques provoqués par le coronavirus avec le plus gros programme de secours économique de son histoire soit 3 000 milliards de dollars, la Banque Centrale Européenne a annoncé 1 000 milliards d’euros de rachats massifs d’actifs sur les marchés financiers tout au long de l’année 2020, par voie de conséquence , il faut que le « FMI, au-delà de la première assistance déjà distribuée à quelques Etats africains, émette des droits de tirage spéciaux [DTS, l’actif de réserve international du Fonds], à hauteur de 114 milliards d’euros qui correspondent aux besoins du continent africain » suggère l’ancien patron de la Banque Ouest-africaine de Développement Boni Yayi.
Ces deux postures sont renforcées par l’un des intellectuels les plus importants du continent. Il s’agit bien évidemment de l’économiste et écrivain Felwine Sarr qui soutient que : « économiquement, la dette n’est pas un problème si elle est sous contrôle, c’est-à-dire bien investie» avant de s’apitoyer sur le sort de certains Etats africains qui profitent de cette crise pour jouer sur ce qu’il appelle « la politique de la compassion et demander l’annulation de leur dette. »
L’auteur de l’essai Afrotopia (2016) Felwine Sarr va conclure en ces termes: « Assumons nos dettes, payons-les, gérons-les comme il faut et arrêtons de venir quémander une annulation tous les vingt ans.»
Néanmoins, d’autres courants évoquent l’annulation pure et simple de la dette. Ce qui n’est pas l’avis du grand nombre. Car, annuler la dette c’est fermer la porte à la dette.