Avis de tempête pour les peuples du monde : Trump is back !

Par François Charles

Durant sa cérémonie d’investiture, faisant référence à la balle qui lui a traversé l’oreille lors d’un attentat, Trump déclare : “J’ai été sauvé par Dieu pour rendre sa grandeur à l’Amérique”. Grandiloquence stupide ? “trumpinade” ? Sans doute…

Caricaturistes, humoristes, nombreux ont été celles et ceux qui, dans un passé récent, ont moqué les comportements déjantés d’un personnage, milliardaire héritier, oligarques parmi les oligarques et se donnant, sans discontinuer, des allures “anti-establishment”.

Aux premiers jours de son retour, peut-on continuer d’en rire ?

MAGA ou “l’Amérique” d’abord !

A peine investi, il donne le ton : L’Amérique d’abord, celle des riches et des blancs !

Et c’est dans une mise en scène grandiloquente qu’il signe en direct une partie des 100 décrets promis lors de sa campagne. Décrets à effet immédiat, évidemment. Une liste, qui éclaire immédiatement la “philosophie” du deuxième mandat. Une liste constitutive de la promesse MAGA, portée depuis quatre ans par Trump, Musk et la team regroupée autour. Nous y reviendrons.

Ainsi, alors que, comme dans la coulisse d’un sinistre théâtre, des fonctionnaires lui font passer un à un les gros dossiers noirs, il égraine haut et fort leur contenu devant la presse médusée, avant de les parapher à grands gestes.

Comme en cascade, entre commentaires et décrets officiels, tombent alors les mauvaises nouvelles pour les peuples du monde. On entend ainsi, pour barrer la route aux travailleurs migrants, qu’est proclamé “l’état d’urgence national” à la frontière avec le Mexique. Attention, cette annonce n’a rien d’anodin. il convient en effet d’être clair car, dans tous les cas de figure, l’état d’urgence signifie, purement et simplement, le recours à toutes les dispositions prévues pour une mobilisation armée ! Qu’on imagine ! la première armée du monde contre des personnes démunies, des familles et des enfants, fuyant à pied misère et précarité et cherchant un salut dans l’exil. On entend aussi que, contre le reste du monde, et spécialement contre les pays du Sud confrontés au réchauffement climatique, Trump décide unilatéralement de la sortie des USA des accords de Paris sur le climat. Sachant que les USA sont largement en tête de liste des pays les plus pollueurs de la planète, on mesure tout le cynisme des grands patrons américains; Annonce suivie, dans la foulée, de la signature du décret conduisant au retrait des Etats-Unis de l’OMS (organisation mondiale de la santé); Un retrait qui provoque la remise en cause immédiate de toutes les mesures de prévention et de lutte contre les pandémies. Vient ensuite à la signature la remise en liberté immédiate de la plupart des activistes condamnés et incarcérés après l’attaque insurrectionnelle du Capitole. Libération très choquante aux Etats-Unis même, car ordonnée au mépris des décisions de justice. En fait, à travers cet épisode, la nouvelle administration envoie un message clair au monde entier : Là où la justice condamne les émeutiers du Capitole au titre d’une tentative de coup d’État, Trump dénonce, lui, une injustice contre de braves citoyens la décision de justice et ordonne leur libération. Par là, cette team affirme haut et fort que, à partir de dorénavant et, au moins pour les quatre ans à venir, c’est elle qui va décider du droit, aux USA…comme ailleurs dans le monde !

Pax americana et expansionnisme

Dans cette mise en scène des premiers instants, qui verra signés une centaine de décrets, habituellement convenu, le discours d’investiture promet le “nouvel âge d’or” pour l’Amérique, âge d’or qui se résume en réalité à deux axes principaux : Nationalisme effréné et expansionnisme. Un discours qui ravit une salle conquise, essentiellement composée des

représentants de la grande bourgeoisie traditionnelle impérialiste et par ceux des ultra-riches, plus récents. Une salle qui ne pouvait que s’enthousiasmer d’entendre les annonces concernant la déréglementation financière, la dérégulation de l’IA (l’intelligence artificielle), d’entendre réaffirmer la réductions d’impôts pour les plus grandes fortunes, la libéralisation de l’exploitation maximale des gisements de pétrole et de gaz aux USA qui se résume par la célèbre injonction :”Forer ! Forer ! Forer !”…chaque annonce provoque sa salve d’applaudissements, lesquels redoublent lorsque Trump annonce que les Etats-Unis vont reprendre possession du canal de Panama, anciennement propriété des USA qui avaient réalisé le chantier au tout début du XXème siècle et rétrocédé au Panama en décembre 1999.

Alors qu’il se présente en campagne comme celui qui mettra fin aux guerres en cours, il sait parfaitement utiliser un discours belliciste et guerrier lorsqu’il s’agit de la défense des intérêts impérialistes US. En effet, après ses intonations particulièrement menaçantes contre l’état mexicain et l’envoi de troupes à sa frontière, la réactivation des désaccords avec le Panama montre une volonté de se ré-imposer, si nécessaire par la force, aussi bien dans l’Amérique centrale qu’en Amérique latine, toute une grande région que les USA ont toujours considéré comme leur pré carré.

“Nous n’avions pas confié le canal à la Chine. A partir de maintenant, nous le récupérons.” C’est cette partie du discours qui a propulsé Musk au ciel, au point que, littéralement transporté, il se fendra par deux fois, impeccablement réalisé, d’un funeste salut bien connu dans l’Allemagne nazie des années 30/40.

S’agissant de la Chine et de sa volonté affichée de la contenir on voit comment Trump “le pacificateur” se mue bien vite en belliciste menaçant et c’est, bien sûr, au mépris intégral de la souveraineté du Panama qu’il dit vouloir récupérer “son” canal. En fait, dans cette affaire, de nombreux aspects “gênent” les Etats-Unis.

D’abord, à l’instar de leur démarche à l’égard du continent africain, la présence de plus en plus marquée des acteurs économiques chinois en Amérique du Sud commence à inquiéter; le fait, ensuite, que la Chine utilise le canal pour son fret et, très beau prétexte, que les deux ports aux extrémités, entrées et sorties, soient propriété d’une entreprise chinoise, chinoise de Hong Kong certes, mais avant tout chinoise pour Trump.

Par ailleurs, par l’administration Trump, il est reproché au gouvernement panaméen d’avoir laissé aller les choses dans le mauvais sens par son “manque de collaboration avec les intérêts étatsuniens”.

A l’évidence, dans le conflit ouvert, pour l’instant économique, qui l’oppose à la Chine, la priorité de Trump et des USA est d’abord rétablir l’ordre américain à ses portes, dans cette arrière-cour que constituent, pour eux, l’Amérique centrale et latino.

Ici, comme partout ailleurs sur toute la surface du globe, la sécurisation des routes commerciales constitue un enjeu majeur et une source permanente de conflits. Il y a donc tout à craindre que la volonté affichée de Trump de réaffirmer d’une part, l’hégémonie américaine sur toute la région soit source de graves tensions tout comme la décision, d’autre part, de reprendre le contrôle du canal ne manquera pas d’entraîner une escalade particulièrement dangereuse avec le Panama.

Des menaces tous azimuts

Il est vrai que tout au long de sa campagne, autant sur la question de l’Ukraine que sur la Palestine, brouillant habilement les cartes, Trump s’est efforcé en permanence de maintenir un écran de fumée sur ses intentions réelles, notamment sur sa politique internationale. Il les a effectivement tellement bien cachées, qu’on a pu voir aux Etats-Unis des dignitaires musulmans, peu perspicaces et peu avertis, se ranger

derrière sa candidature, et appeler à voter pour lui, lui qui “promettait la fin de la guerre en Palestine et la paix avec les arabes”.

Aujourd’hui, déjà très loin de ses promesses, il se donne 100 jours pour régler le conflit Russie/Ukraine qu’il prétendait régler en 48 heures et, la pire des ignominies, il propose désormais la déportation da masse des Palestiniens de Gaza vers l’Egypte et la Jordanie ! Après la guerre à caractère ouvertement génocidaire dont les USA sont les principaux responsables, Trump conseille et autorise la mise en oeuvre de l’épuration ethnique par la déportation. C’est une menace immense qui pèse désormais sur l’avenir des palestiniens, puisque, à la faveur du “cessez-le-feu” à Gaza, Tsahal a lancé une opération massive contre la Cisjordanie, contre le camp de réfugiés de Jenine et contre toute opposition à la colonisation illégale des terres. Toutes ces opérations sont officiellement soutenues par Trump et son équipe qui, dès le premier jour du deuxième mandat, ont demandé toute liberté et impunité pour les colons sionistes de Cisjordanie coupables d’appropriations de terres et d’exactions.

Si on ajoute à ce paysage d’apocalypse les injonctions en direction de l’Etat du Canada pour que, au mépris de la souveraineté des nations et du Droit international,il devienne, au plus vite, un état américain supplémentaire. Il faudra noter cette précision à l’attention des responsables canadiens qu’il leur vaut mieux envisager positivement cette proposition afin d’éviter qu’elle ne soit obtenue par la contrainte économique.

Dans le même temps, Trump téléphonait directement à la 1ère ministre Danoise lui signifiant immédiatement qu’il allait récupérer le Groënland avec la même rhétorique que pour les canadiens : « j’achète ou ça sera de gré ou de force! »

Clairement, de la chasse aux migrants à la déportation des palestiniens, du dérèglement climatique fatal aux pays du Sud à ses prétentions expansionnistes à l’encontre du Panama et de l’ensemble du continent sud-américain, de ses menaces d’accaparement de pays entiers à l’encontre du Canada et du Danemark, le monde de Trump ne sera pas le monde rêvé des peuples. Mais l’avenir n’est jamais certain.

Sur le sol même des USA, gageons que les populations discriminées, persécutées, tant pour leurs origines, pour leur couleur de peau que pour leurs orientations sexuelles, sauront montrer la voie de la riposte; gageons que la jeunesse, solidaire de la Palestine, continuera sa mobilisation et saura sensibiliser les couches les plus larges de la population pour bloquer les projets funestes de Trump; gageons que lorsque vont apparaître en pleine lumière les projets de Trump concernant la gestion économique et ses conséquences contre le camp du travail, les travailleurs américains sauront se réorganiser et faire barrage à ce libéralisme débridé. Gageons enfin qu’au niveau international, les populations, toutes les populations, dont les gouvernements s’apprêtent par avance à faire allégeance à Trump, refuseront de faire les frais de “l’Amérique d’abord” et sauront s’opposer à leurs propres gouvernements complices.

Francois Charles,

Le Directeur de Rédaction de L’Autre Afrique

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