Présenté, par la presse occidentale, comme un dictateur sans pitié, Mugabe, ex-président du Zimbabwe est décédé. Combattant africain anti-impérialiste ou serviteur « ordinaire » des pays riches ?

Mugabe anti-impérialiste ?

Les occidentaux se sont largement exprimé, beaucoup plus que pour nombre d’autres évènement plus graves en Afrique, sur le décès et la vie de Robert Mugabe. Un peu comme si cette mort signifiait pour eux la fin d’un cauchemar, d’un deuil à faire et d’une page à tourner, définitivement.
Comment, de « partenaire respectable » lors de la signature des accords d’indépendance de 1979 , ce même personnage a pu devenir, aux yeux des anglais et de toutes les chancelleries occidentales, le « tyran », le « dictateur radical », qu’ils n’ont eu de cesse de dénoncer, de traquer et, l’assimilant à son peuple, de punir.
Pourtant, à bien y regarder, il apparaît clairement que Mugabe ne fut pas, loin de là, un opposant à la domination politique et économique de l’ancienne puissance coloniale, pas davantage qu’il ne le fut aux institutions internationales comme le FMI ou la Banque Mondiale.

Les paysans reprennent les terres

Le fait principal, le point de rupture entre Mugabe et les « partenaires » internationaux, l’évènement qui ne lui fut jamais pardonné fut la réappropriation des terres « blanches » par les paysans noirs dépossédés depuis la colonisation et poussés par la misère.
Il lui fut reproché, en réalité, de ne pas avoir eu, ni la force, ni les moyens, d’enrayer ce mouvement. En effet, Mugabe, dans le marchandage sur l’indépendance, entre son mouvement et les britanniques, avait accepté l’inacceptable : Le maintien des droits de propriété des terres des fermiers blancs ! Ce qui signifiait clairement toutes les terres agricoles offertes à la minorité blanche.

Or, dès le début des années 2000 les paysans noirs, en complet désaccord avec ce marchandage néo–colonial de Mugabe, commençaient à envahir les terres des fermiers blancs et procédaient, très rapidement, à leur réappropriation.

Soutenus par les anciens combattants, par les responsables de régions, les chefs locaux et en lien avec les premiers paysans qui, déjà en 1997 à Goromonzi, s’opposèrent farouchement à Mugabe, les paysans chassaient les colons blancs et, finalement, se réappropriaient leurs terres.

Mugabe submergé, Mugabe condamné.

Le mouvement fut d’une ampleur sans égal et Mugabe n’eut d’autres choix que de « laisser faire » et, en fin de compte, d’entériner la situation.
Faute grave pour les « observateurs » internationaux ! Carton rouge à Mugabe.
Mugabe fut puni pour ne pas avoir su empêcher que la majorité noire, la part de la population qui s’était battue les armes à la main pour son indépendance, pour sa liberté, pour ses droits démocratiques, reprenne et continue le processus interrompu lors des « accords » signés par Mugabe en personne à Lancaster House.

C’est à partir de ce moment qu’il fut désigné à la vindicte internationale comme un tyran et un dictateur.
Mugabe, et au delà tout le Zimbabwe, fut mis au ban des nations, au moment très précis où il avait laissé se commettre ce « crime odieux » de réappropriation des terres par les paysans présenté par les pays riches, ce qui est un comble (!), comme « une violation de la propriété privée »!

Une leçon très claire

 

Un exemple pour tous les dirigeants africains en place, à la solde des pays riches, doublé d’une menace très directe !
En réalité, tant que Mugabe, complice, fut en mesure d’imposer aux populations les plans désastreux du FMI, de la Banque Mondiale et de garantir les avantages des colons, Mugabe était utile, toléré et accepté, en revanche, à partir du moment où il fut jugé « pas assez fiable » après la réappropriation, les sanctions devaient s’abattre.

Le message en fut d’autant plus clair et violent :
« Regardez bien ce que nous vous ferons : ceux qui ne parviendront pas à défendre correctement et intégralement nos intérêts, subiront le même sort que Mugabe. »
Et, le fait est que la « punition » infligée au Zimbabwe fut massive. Les sanctions économiques radicales organisées conjointement par les USA, la France et la Grande-Bretagne, conduisirent très rapidement le pays à la ruine.

Ainsi, loin du mythe du combattant anti-impérialiste, le seul tort de Mugabe est de n’avoir pas pu imposer plus longtemps à son peuple, la loi des néocoloniaux et des grandes puissances, comme il y était parvenu depuis l’indépendance. Dès lors, il était condamné à être remplacé par un « plus capable. »